N'Fek.

La mission de l'eau dans les douars.

Reportage réalisé lors d'une mission humanitaire par l'association EauSoleil en octobre 2023 au Maroc, dans la région de Tarroudant.

Amener l'eau.

Une équipe de bénévoles et d'élèves du lycée professionnel Alexandre Bérard à Ambérieu-en-Bugey s'envolent en direction du Maroc pour aller installer un réseau d'eau courante dans les villages de l'Anti-Atlas.

Je fais partie de cette équipe pour couvrir cette mission pour l'association, et je réalise donc cette série de photos dans la lignée de mon travail de portraitiste.

Les enfants jouent au football avec les jeunes français sur la place de Agadir, chef lieu de la commune d'Agadir-Melloul.

Octobre 2023.

Femme du village qui vient faire boire son âne avant d'aller travailler aux champs.

Octobre 2023.

Paysage marocain durant la traversée de l'atlas en direction de Merzouga.

Octobre 2023.

Le chamelier nous accompagne dans les dunes de Merzouga.

Octobre 2023.

Les enfants jouent à grimper sur les cages de football à Lemdint après le match des adolescents.

Octobre 2023.

Sa grande sœur l'utilise pour se cacher de mon appareil à Lemdint.

Octobre 2023.

Chapitre 1 : N’Fek et son chantier.

Pour mieux comprendre ce qui suit, il faut savoir la raison de notre présence. Si nous sommes ici, c’est pour installer un réseau hydraulique autosuffisant en électricité dans un hameau nommé N’Fek de la commune d’Agadir-Melloul au Maroc. L’objectif étant de permettre aux villageois de profiter de leur source d’eau déjà présente avec des contraintes bien moindres par rapport au passé. La corvée d’eau étant alors abolie puisqu’à notre départ, l’eau coule directement dans les maisons des habitants.

Cette association existe depuis 10 ans, portée depuis sa naissance par Philippe Zanni, professeur de mathématiques à la retraite du lycée professionnel Alexandre Bérard à Ambérieu en Bugey. Il fût rejoint petit à petit par ses collègues, attiré par l’idée de faire le bien et de pousser leurs étudiants dans ce projet humain.

C’est alors que chaque année, hors pandémie, un petit groupe d’élève de ce même lycée s’élance depuis l’aéroport de Saint Exupéry en direction d’une région très rurale de l’Anti-Atlas Marocain. Cette année étant particulière puisqu’elle marque la fin des chantiers pour cette commune : tous les hameaux nécessitant un raccordement à l’eau seront équipés à notre départ du Maroc. Les prochains déplacements dans cette région amèneront les élèves à découvrir une nouvelle commune, qui n’a pas encore d’accès à l’eau dans aucun hameau constituant l’ensemble des villages. Beaucoup de travail reste à faire, et parfois une certaine injustice se fait sentir lorsque l’on se rend compte du peu de travail effectué par le Royaume à ses habitants. Ces peuples nomades Tamazir paraissent parfois abandonnés à eux-mêmes.

Ce projet, par son ambition et sa volonté pure d’action humanitaire m’a touché. J’entendais depuis longtemps des histoires quant à ce pays lointain paraissant si éloigné de notre belle vie occidentale. À mon tour aujourd’hui de découvrir cette terre et ses habitants qui m’accueillent à bras ouvert. Comme chacun d’entre nous, nous n’en reviendront pas exactement les mêmes, et nous ramènerons tous un petit bout de cette contrée.

La pluie vient nous réveiller le matin de ce qui sera notre dernier jour à N'Fek, le chantier sera fini le soir même.

Octobre 2023.

Et à notre réveil, tant qu’à notre surprise, c’est la pluie qui nous accueilli. Une brume épaisse et lourde paraissait camoufler la vallée, le village semblait endormi et destiné à ne pas se réveiller aujourd’hui.

Pourtant, ici un âne, là un coq, qui chacun leur tour réveillent la campagne, et donne le la à un orchestre de vie qui s’anime à mesure que le soleil se lève.

La pluie ne s’arrête pas au travail des corps, et elle apparaît bien décidée à redoubler d’efforts pour nous stopper dans notre élan. Le chantier restant ne devrait pas dépasser deux jours, tant que la météo reste clémente.

Alors dans une accalmie, l’on sort, sous cette pluie, armés de vestes et de ponchos, prêts à installer les quelques tuyaux restants, et combler les fuites repérées la veille. C’est une affaire de quelques dizaines de minutes, mais chaque minute sous la pluie en vaut deux. Et la fatigue n’aura pour seul espoir les premiers rayons de soleil faiblards qui oseront s’aventurer dans la vallée seulement quelques heures plus tard.

Le beau temps est revenu, le chantier peut continuer.

La grand mère de Zeima, l'hôte des filles du groupe me gratifie d'un rire franc lors de notre rencontre à N'Fek.

Octobre 2023.

Elle est la grand-mère de la Zeima qui a accueilli chez elle les femmes de notre association. Impossible de lui donner un âge. Un fantôme invisible qui se faufile et semble apparaître derrière nous pour rire de nos sursauts.

Elle semble porter un masque tant son visage marqué par sa vie semble hors du temps. Un masque de douceur, de rire et de Je n’ai pas eu autant de temps d’échange avec cette dame que je l’aurai souhaité, mais je devrais m’en contenter. Voilà alors la seule marque qu’il me restera d’elle, témoignant inéluctablement de la tendresse que l’on lit dans les yeux de tous ceux qui nous accueillent ici.

Il est bon de noter que jamais je ne la recroiserais, elle restera semble-t-il dans les hauteurs du village, je l’imagine rieuse derrière quelques fenêtres occultants nos regards indiscrets sur une vie quant à elle bien simple et discrète.

Chapitre 2 : L’entracte d’Agadir-Melloul.

Les enfants font une partie intégrante de mon travail artistique autour de cette mission humanitaire. Ils sont à la fois tout et si absents. Aucun naturel n’apparaît hors d’eux.

Dans le village de N’Fek une seule petite fille constituait à elle seule la population permanente de moins de 25ans. Il est difficile d’imaginer la vie d’une petite fille comme elle dans une campagne aussi reculée. Mais il est important de noter que notre voyage se tenait durant les vacances pour les petits Marocains, et c’est à cette occasion qu’elle avait retrouvé son village.

Les enfants des hameaux reculés souvent très souvent s’en aller pour d’autres villages plus grands, dans lesquels ils trouveront alors une école, un collège ou un Lycée. Autour de N’Fek c’est le village de Lemdint qui joue ce rôle. Nous y reviendront puisque nous avons eu l’occasion de découvrir cette ville durant cet entracte.

Comme les adultes, ils ne sont que sourires, joie et rires. Impossible de ne pas les entendre, à l’école coranique ou dans les ruelles nous observant tout en se cachant lorsque nos yeux se posaient enfin sur eux. Leurs rires accompagnent mon livre, et chaque photo d’eux.

Lors de cet entracte dans un village plus grand, on a pu rencontrer bon nombre de ces enfants, aux dents jaunes, au visages rieurs et miraculeusement tous doués pour le football. Les filles restaient toujours retrait et il m’était parfois difficile de m’en approcher ou de gagner leur confiance, alors lorsqu’elles s’approchaient, bien souvent l’appareil restait caché ou bien rangé, pour n’être sorti que plus tard. Certains portraits pourront tout de même être réalisés, et ce sont parfois peut être ceux avec le plus d’humanité dans le regard.

Nous sommes dans un autre village plus grand cette fois, nous dormons à Lemdint, pour rejoindre Agadir-Melloul, chef-lieu de la commune, pour assister à une réunion d’association et à un repas réalisé en l’honneur de l’association et de tout le travail effectué depuis 10 ans pour cette commune. Les acteurs principaux de l’association recevront des diplômes de remerciement officiels, et les lycées participants, également.

Une journée bien protocolaire, nous éloignant d’un fort contraste avec cette vie simple et calme de N’Fek, pour découvrir le bruit et l’agitation du souk d’Agadir-Melloul. La densité de population multipliée par 100, les yeux s’agitent autant que les étals se remplissent, autant que les cris des enfants s’intensifient, et tout est plus rapide.

Alors je crée, parce que c’est bien la seule chose que je sache faire.

Les enfants s'amusent à me suivre en jouant malgré moi à 1,2,3 soleil.

Octobre 2023.

Hommes des villages avoisinants venus faire la navette pour des enfants et des femmes à Lemdint.

Octobre 2023.

Jeune garçon prit par surprise à Lemdint jouant malgré moi à 1,2,3 soleil dans mon dos.

Octobre 2023.

Le chantier avance, lorsqu'il faut passer au dessus d'un lit de rivière, des tuyaux en acier deviennent nécessaires.

Octobre 2023.

Le désert de Merzouga au coucher du soleil.

Octobre 2023.

La caravane de l'association au coucher du soleil sur les dunes de Merzouga.

Octobre 2023.

Chapitre 3 : Le Chapitre désertique d’Hassi-Labied.

Dans une dernière partie du voyage, nous emmenons les élèves découvrir un paysage souvent imaginé, souvent rêvé, mais que trop rarement ressenti : le désert. Après 10 heures de route, nous voilà arrivé dans la ville d’Hassi-Labied, à la limite de la bande de désert de Merzouga, quasiment à la frontière avec l’Algérie.

Les visages sont tirés, les enfants rêvent d’enfin se poser et de profiter, alors la vue de la piscine les réjouit encore plus qu’on l’imaginait. L’hôtel serait presque moderne et occidental, évidemment il ne faut pas oublier qu’alors, la ville dans laquelle nous allons passer deux nuits n’est pur produit de la mondialisation et du tourisme de masse qui fait vivre cette région du pays.

Alors ma photo change. Mes photos se transforment, et mes réflexions avec, et il devient impossible de créer comme je le faisais encore à Agadir-Meloul, les Marocains ici ne sont bien entendu pas aussi proches de nous que ceux de N’Fek, et difficile de tisser des liens lorsque l’on semble parler à des masques. On a l’impression de ne voir et n’entendre que ce l’on voudrait entendre. Tout ce qui nous parvient n’est que le fruit d’une volonté de nous faire plaisir, de nous conforter dans ce que l’on imagine d’un pays comme le Maroc.

Ainsi ces photos sont celles d’une vue touristique, de clichés, presque un ensemble d’images d’Epinal. Qui veulent tout de même montrer au milieu de cela ce que d’autres ne verront pas.

Le soleil se couche sur les dunes de Merzouga, alors que nous terminons la randonnée à dos de dromadaires.

Octobre 2023.

Nous tenant à distance du sable brûlant, la caravane avance d’un pas bringuebalant, quoiqu’assuré. Liés les uns aux autres, ils ne semblent pas se défaire d’une entité unique, laissant pour un moment leur volonté propre.

Ces animaux ne sont pas fiers, ni naturels tant ils semblent accommodés des touristes et leur besoin frénétique d’exotique.

Les dunes s’allongent, se tordent et au loin la ville s’éteint. On ne distingue bientôt plus ce qui pouvait, quelques minutes auparavant nous rappeler que tout ceci n’est rien d’autre qu’un tas de sable surexploité : quads, motos, chameaux ou chevaux, tous les moyens sont bons pour faire dépenser à l’occidental quelques centaines de dirhams.

Et c’est d’un retentissant, que d’un coup, le rugissement d’un moteur à combustion nous sort de toute réflexion apaisée, et nous rappelle à la réalité. Pour quelques courts instants seulement, le temps qu’il disparaisse et que son bruit s’étouffe. Alors le calme revient, avec lui, dans son baluchon, la paix.

Très bientôt d’autres repasseront. Tous ceux qui vont, viennent.

Conclusion.

À Orianne, pour tout et pour le reste.

À Théo, mon Socrate à moi, qui me soutient au travers des continents.

A mes camarades de chambrée, à nos rires et à tout ce que l’on a pu partager en ces quelques jours de vie commune qui ont semblé des mois lorsqu’il a fallu se quitter, William, Florian, Milan, et Bilel.

À l’association EauSoleil ses bénévoles et son président, pour leur confiance.

À Hassan, Mokhtar, Aziz, Mohammed, nos cuisinières Fatima et Fatima, Zaima, et tous les marocain(e)s pour leur accueil plein de tendresse et de gentillesse.